- THERMODYNAMIQUE - Processus irréversibles linéaires
- THERMODYNAMIQUE - Processus irréversibles linéairesJusqu’à ce que la thermodynamique ait été en mesure d’en fournir une présentation unifiée, les phénomènes de transport qui intéressent les milieux matériels furent étudiés de manière séparée et en ordre plutôt dispersé, sans qu’au-delà d’analogies formelles plus ou moins évidentes aucun lien d’essence fondamentale n’ait été vraiment dégagé. L’apport de la thermodynamique contemporaine fut décisif lorsqu’on se décida à dépasser le stade de l’inégalité fondamentale de Clausius (cf. THERMODYNAMIQUE - Lois fondamentales, équations 8 et 9) et qu’on chercha à connaître ce que recouvre, en fait, le comportement irréversible de la matière.Cette tâche fut accomplie dès qu’on sut calculer la «production d’entropie locale» ou volumique, 靖 ou source d’entropie puisque la production d’entropie P , pour un volume V est donnée par:1. Relations de réciprocité et minimum de la production d’entropieAu voisinage de l’équilibre où Ji = 0 et où Xi = 0 (cf. équation 15), on peut admettre l’existence d’un lien linéaire entre les courants Ji et les forces Xi , soit, dans le cas de deux phénomènes irréversibles,Le domaine de validité peut être relativement étendu, comme pour les phénomènes de transport (loi linéaire de Fourier pour la conduction thermique; loi de Fick pour la diffusion), mais il peut être très limité, comme c’est le cas pour un grand nombre de réactions chimiques. Les relations ci-dessus expriment des lois de cinétique linéaire , où les coefficients phénoménologiques Lij sont considérés comme des constantes; L11 et L22 sont les coefficients propres , tandis que L12 et L21 sont des coefficients mutuels exprimant un couplage. En l’absence de champ magnétique, les coefficients mutuels obéissent à la relation de réciprocité d’Onsager (1931):Il convient d’observer qu’un couplage de deux phénomènes irréversibles n’est possible qu’entre des processus de même caractère tensoriel. Par exemple, un gradient thermique (vecteur) et une affinité chimique en milieu isotrope (scalaire) ne peuvent pas être l’objet d’un couplage, et l’on a alors:En revanche, si les deux processus correspondent l’un à la conductivité thermique, l’autre à la diffusion (deux effets vectoriels), le couplage existe et le coefficient L12 exprime la diffusion thermique . Introduisant les lois linéaires ci-dessus dans le critère d’évolution (cf. relations 15) de la production d’entropie, celle-ci devient une forme quadratique définie positive, indépendamment des relations de réciprocité. Il en résulte pour les coefficients les inégalités suivantes:Les coefficients propres L11 et L22 doivent être nécessairement positifs, tandis que le coefficient mutuel de thermodiffusion n’a pas de signe défini.Une propriété importante de thermodynamique linéaire réside dans le théorème du minimum de production d’entropie à l’état stationnaire pour un système soumis à des contraintes données (I. Prigogine, 1947). Par exemple, si la thermodiffusion est réalisée au moyen d’un fluide à deux constituants placé dans deux réservoirs, chacun à température uniforme (mais leurs deux températures étant différentes), et réunis par un capillaire, un état stationnaire sera atteint lorsque le courant massique (par exemple J2) s’annulera, ce qui donne:Si l’on impose X1, ici la force thermique, on obtient après dérivation par rapport à X2:assurant le minimum de 靖.Comme on le verra plus loin, le théorème du minimum de production d’entropie à l’état stationnaire exprime un principe variationnel dont la portée est strictement limitée au domaine des processus irréversibles linéaires.Depuis 1951 environ, la thermodynamique linéaire a connu d’importants développements dont rend compte l’ouvrage de S. R. de Groot et P. Mazur, cité en bibliographie: Non-Equilibrium Thermodynamics .2. Couplage dans les solidesL’effet thermoélectrique que présentent les chaînes de conducteurs métalliques, ou effet Seebeck , est un exemple anciennement connu de couplage entre des phénomènes thermiques et électriques. La théorie peut en être brièvement rappelée, en raisonnant sur un système où les jonctions des métaux A et B sont respectivement aux températures T et T + T, et où l’on mesure en circuit ouvert une force électromotrice (f.é.m.) 淋 entre les armatures du condensateur C (fig. 1).Un tel système est le siège de phénomènes de transport qui figurent dans l’expression suivante de la fonction dissipative locale T 靖:où Js = (Ju 漣 猪e Je ) -1 est le courant d’entropie, Je est le courant d’électrons de charge 漣 e et de potentiel chimique 猪e , Ju est le courant de conduction thermique, i = 漣 e Je est la densité de courant électrique et 暴 est l’opérateur gradient.Entre courants et forces, on dispose au voisinage de l’équilibre des relations linéaires:ou, sous une forme légèrement différente:Pour ce couplage la relation de Onsager L12 = L21 confirme la seconde relation de Thomson:Or 神 = (Js /i)T, lorsque 暴T = 0, est le coefficient de Peltier , différence de potentiel (d.d.p.) de «soudure» entre les deux métaux A et B au niveau de leur jonction. Tandis que 見 = 暴淋/T = d 淋/d T (à i = 0, 暴猪e = 0) est ce que l’on désigne habituellement sous le nom de pouvoir thermoélectrique du couple A, B [cf. THERMOÉLECTRICITÉ].À courant nul l’intégration sur la totalité du circuit qui sépare les armatures de C montre que:dl étant l’élément de longueur du circuit.Dès lors, si 見 est sensiblement indépendant de la température, on obtient l’égalité:La première relation de Thomson, qui traduit la conservation de l’énergie, est la simple application du premier principe:où 精A et 精B sont les coefficients de Thomson des conducteurs [cf. THERMOÉLECTRICITÉ]. La relation annoncée suit en appliquant (27) à (28), soit (première relation de Thomson):Il n’est pas sans intérêt de souligner que le formalisme thermodynamique permet de comprendre pourquoi le raisonnement de lord Kelvin – en dépit de ce qu’il partageait les phénomènes thermiques en irréversibles (effet Joule, conduction thermique), et en réversibles (effets Peltier et Thomson) – a conduit son auteur à des expressions formellement exactes. Si on écrit la dissipation T 靖 en fonction de 暴T et de i, on obtient:Les deux premiers termes regroupent la dissipation par effet Joule et conduction thermique. Le dernier, qui résulte des effets Peltier et Thomson, disparaît, suite à la relation de Onsager, ce qui répond à la question.3. Couplage en présence d’une induction magnétiqueLorsqu’un champ d’induction magnétique B est présent dans le solide, de nouveaux et nombreux effets de couplage peuvent apparaître.– lorsqu’un flux de chaleur se propage suivant Ox , une d.d.p. apparaît suivant Oy : c’est l’effet Nernst ;– si c’est un courant électrique qui chemine suivant Ox , on peut observer un gradient de température suivant Oy : c’est l’effet Ettingshausen .Mais il peut exister également des effets purement magnétoélectriques: c’est le cas de l’effet Hall , dans lequel un courant électrique suivant Ox donne naissance à un champ électrique suivant Oy , ou purement magnétothermique, le flux de chaleur suivant Ox induisant un flux de chaleur suivant Oy .Nous ne détaillerons pas ces couplages pour lesquels les relations de réciprocité revêtent une forme moins simple, puisqu’on doit écrire ici: Lij (B) = Lji (face=F0019 漣 B) (voir les études de W. Meissner et H. B. Callen, citées dans la bibliographie).4. Autres couplages associés à un gradient thermiqueLa thermodynamique classique, en dehors de la géniale intuition de lord Kelvin, a toujours eu les plus grandes difficultés à dominer les problèmes posés par les systèmes où la température n’est pas uniforme. Dans le cadre de la thermodynamique contemporaine, nous allons constater, sur les exemples qui suivent, combien il paraît naturel de supputer l’existence de couplages entre flux et forces physiquement différents, mais de même caractère tensoriel, lorsque des gradients thermiques sont présents.ThermodiffusionCe phénomène, découvert par K. Ludwig il y a plus d’un siècle, a été par la suite analysé plus complètement par C. Soret, peu après que L. Dufour eut découvert le phénomène inverse qui porte son nom.La thermodiffusion (ou effet Soret dans le cas des liquides) est en général observée sur des montages où la couche strictement horizontale de mélange fluide est soumise à un gradient de température ascendant, de façon à éliminer toute convection parasite (fig. 3).Dans un mélange binaire, une solution par exemple, le gradient thermique une fois établi, la diffusion provoquant la séparation des constituants suivant la verticale obéit à la relation:où Jr 1 est le courant du constituant dissous d’indice 1 par rapport au mouvement du solvant d’indice 2 (Jr 1, r signifiant relatif), 暴猪c 1 = (face=F0019 煉 猪1/ 煉C1) 暴C1 est le gradient du potentiel chimique de 1, non seulement à température T mais aussi à pression p constantes, avec 暴C1 gradient de concentration de 1, et Lik les coefficients phénoménologiques. Les expérimentateurs écrivent, par extension de la loi de Fick (D: coefficient de diffusion isotherme; DT: coefficient de thermodiffusion):de sorte que l’état stationnaire de séparation maximale, atteint au terme d’une évolution de durée théoriquement infinie, est donnée par le coefficient Soret s T:où L1q est donnée par (29).Le flux thermique simultané à Jr 1:s’interprète comme un flux d’énergie débarrassé du transport de chaleur par diffusion:et permet de donner au couplage une forme caractéristique très frappante car, à 暴T = 0:où Q1 est la «chaleur de transfert» du corps dissous dans le mélange étudié. Selon Onsager, Lq 1 = L1q . Donc:et l’on conçoit que la mesure du coefficient Soret constitue une information précieuse pour les interactions à courte et moyenne portée entre les molécules du mélange, par l’intermédiaire de la quantité Q1.L’effet inverse, ou effet Dufour , n’est guère observable que dans les gaz, où leur mélange provoque un effet thermique (un gradient de température, par exemple). On définit, dans ce cas, un coefficient Dufour d f :où est le coefficient de conductivité thermique.Différence de pression thermomoléculaire et effet thermomécaniqueSupposons un gaz réparti entre deux compartiments séparés par une paroi poreuse, et présentant entre eux une différence de température T. L’expérience montre qu’une différence de pression p se développe entre ces compartiments (fig. 4). C’est l’osmose thermique.À partir d’une fonction dissipative calculée pour l’unité de surface de la membrane, il est facile d’établir les relations linéaires suivantes:où la différence ( 猪)T du potentiel chimique entre les phases se réduit ici à v p ; v est le volume molaire du gaz dont le flux (courant) est J. Remarquons encore la condition de réciprocité Ljk = Lkj .À l’état stationnaire, le gaz n’est plus transporté (J = 0) et la pression thermomoléculaire p est donnée par:C’est typiquement un phénomène de couplage entre un transport de matière et un transport d’énergie.Supposons que, au lieu d’une membrane, nous interposions une série d’orifices, petits devant le libre parcours moyen des molécules du gaz. Nous sommes dans les conditions du gaz raréfié de Knudsen et l’effet thermomoléculaire devient alors l’effet Knudsen .Si, au contraire, nous maintenons une différence de pression entre les réservoirs, en nous efforçant de conserver une température partout uniforme, un flux de matière accompagné d’un flux d’énergie franchit la surface de séparation et nous obtenons l’effet thermomécanique régi par la relation:Or ce rapport est, au sens de l’équation (30), la «chaleur de transfert» du gaz, Q = L12/L22, de sorte que (cf. relations de réciprocité de Onsager):Il est clair que l’effet thermomécanique apparaît aussi dans le gaz de Knudsen. Pour un tel gaz, il est connu que:puisque:Pour le gaz de Knudsen:La différence de pression thermomoléculaire et l’effet thermomécanique se manifestent, tous deux, dans cet étrange système qu’est l’hélium II au-dessous du point (2,19 K). La première donne lieu à ce qu’on appelle l’effet fontaine et le second, corroboré par la théorie de Gorter, montre que Q/T = 漣 x 1(face=F0019 煉s / 煉x 1), où x 1 est la fraction d’hélium «normal» dans le mélange d’entropie spécifique s .5. Phénomènes électrocinétiquesSupposons maintenant que la membrane poreuse de l’exemple précédent sépare deux phases ioniques présentant une différence de pression p , et une différence de potentiel 淋 à l’exclusion de toute autre. Le raisonnement à suivre est identique, mais on écrira cette fois-ci:où J est le courant électrique (flux) du mélange et i la densité de courant, avec toujours L12 = L21 (cf. fig. 5).En l’absence de toute différence de pression, on a:qui définit l’électro-osmose .De même, en l’absence de d.d.p.:est le courant d’écoulement .D’autre part, à courant nul, on obtient:ou potentiel d’écoulement .Alors qu’à flux de volume nul:est la pression électro-osmotique .L’application de la relation de Onsager conduit aux relations de Saxen:Ces relations sont, en général, le fruit de calculs cinétiques appliqués à un modèle particulier de membrane. On notera ici l’élégance de la méthode thermodynamique qui conduit au même résultat, sans s’astreindre en aucune façon à l’emploi d’un modèle cinétique.Il existe encore bien d’autres situations de couplage qui méritent l’intérêt, ne serait-ce que les effets de diffusion mutuelle dans les mélanges à multiples constituants. Nous arrêterons cependant là l’énumération des effets couplés.
Encyclopédie Universelle. 2012.